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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

sais avec elle de l’autre côté de la futaie de Combourg. Je suis bien étranger à ces ébats de la société attachée à mes pas vers la fin de ma course ; et pourtant il y a dans cette féerie une sorte d’enivrement qui me monte à la tête : je ne m’en débarrasse qu’en allant rafraîchir mon front à la place solitaire de Saint-Pierre ou au Colisée désert. Alors les petits spectacles de la terre s’abîment, et je ne trouve d’égal au brusque changement de la scène que les anciennes tristesses de mes premiers jours.

Je consigne ici maintenant mes rapports comme ambassadeur avec la famille Bonaparte, afin de laver la Restauration d’une de ces calomnies qu’on lui jette sans cesse à la tête.

La France n’a pas agi seule dans le bannissement des membres de la famille impériale ; elle n’a fait qu’obéir à la dure nécessité imposée par la force des armes ; ce sont les alliés qui ont provoqué ce bannissement : des conventions diplomatiques, des traités formels prononcent l’exil des Bonaparte, leur prescrivent jusqu’aux lieux qu’ils doivent habiter, ne permettent pas à un ministre ou à un ambassadeur des cinq puissances de délivrer seul un passe-port aux parents de Napoléon ; le visa des quatre autres ministres ou ambassadeurs des quatre autres puissances contractantes est exigé. Tant ce sang de Napoléon épouvantait les alliés, lors même qu’il ne coulait pas dans ses propres veines !

Grâce à Dieu, je ne me suis jamais soumis à ces mesures. En 1823, j’ai délivré, sans consulter personne, en dépit des traités et sous ma propre responsabilité