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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

moi une audience publique pour remettre ses nouvelles lettres de créance.

« En quittant le cabinet de Sa Sainteté au Vatican, je suis descendu chez le secrétaire d’État, et, abordant franchement la question avec lui, je lui ai dit : Eh bien, vous voyez comme nos journaux vous arrangent ! Vous êtes Autrichien, vous détestez la France, vous voulez lui jouer de mauvais tours : que dois-je croire de tout cela ? »

« Il a haussé les épaules et m’a répondu : « Vos journaux me font rire ; je ne puis pas vous convaincre par mes paroles, si vous n’êtes pas convaincu ; mais mettez-moi à l’épreuve et vous verrez si je n’aime pas la France, si je ne fais pas ce que vous me demanderez au nom de votre roi ! » Je crois, monsieur le comte, le cardinal Albani sincère. Il est d’une indifférence profonde en matière religieuse ; il n’est pas prêtre ; il a même songé à quitter la pourpre et à se marier ; il n’aime pas les jésuites, ils le fatiguent par le bruit qu’ils font ; il est paresseux, gourmand, grand amateur de toutes sortes de plaisirs : l’ennui que lui causent les mandements et les lettres pastorales le rend extrêmement peu favorable à la cause des auteurs de ces lettres et de ces mandements : ce vieillard de quatre-vingts ans veut mourir en paix et en joie.

« J’ai l’honneur, etc. »

« 10 mai 1829.

Je visite souvent Monte-Cavallo ; la solitude des jardins s’y accroît de la solitude de la campagne romaine que la vue va chercher par-dessus Rome, en