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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Montorio. Lorsqu’on regarde la place qu’occupait, sur le maître-autel de l’église, l’ornement des funérailles de Raphaël, on a le cœur saisi et attristé.

Au delà du pont Lamentano, des pâturages jaunis s’étendent à gauche jusqu’au Tibre ; la rivière qui baignait les jardins d’Horace y coule inconnue. En suivant la grande route, vous trouvez le pavé de l’ancienne voie Tiburtine. J’y ai vu cette année arriver la première hirondelle.

J’herborise au tombeau de Cecilia Metella : le réséda ondé et l’anémone apennine font un doux effet sur la blancheur de la ruine et du sol. Par la route d’Ostie, je me rends à Saint-Paul, dernièrement la proie d’un incendie ; je me repose sur quelque porphyre calciné, et je regarde les ouvriers qui rebâtissent en silence une nouvelle église ; on m’en avait montré quelque colonne déjà ébauchée à la descente du Simplon : toute l’histoire du christianisme dans l’Occident commence à Saint-Paul-hors-des-Murs.

En France, lorsque nous élevons quelque bicoque, nous faisons un tapage effroyable ; force machines, multitude d’hommes et de cris ; en Italie, on entreprend des choses immenses presque sans se remuer. Le pape fait dans ce moment même refaire la partie tombée du Colisée ; une demi-douzaine de goujats sans échafaudage redressent le colosse sur les épaules duquel mourut une nation changée en ouvriers esclaves. Près de Vérone, je me suis souvent arrêté pour regarder un curé qui construisait seul un énorme clocher ; sous lui le fermier de la cure était le maçon.

J’achève souvent le tour des murs de Rome à pied ; en parcourant ce chemin de ronde, je lis l’histoire de