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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

draient grâce auprès du souverain Juge. J’ai aussi du penchant au cloître ; mais, mon heure étant venue, c’est à la Portioncule, sous la protection de mon patron, appelé François parce qu’il parlait français, que j’irais demander une solitude.

Je veux traîner seul mes sandales ; je ne souffrirais pour rien au monde qu’il y eût deux têtes dans mon froc.

« Jeune encore, dit le Dante, le soleil d’Assise épousa une femme à qui, comme à la mort, personne n’ouvre la porte du plaisir : cette femme, veuve de son premier mari depuis plus de onze cents ans, avait langui obscure et méprisée : en vain elle était montée avec le Christ sur la Croix. Quels sont les amants que te désignent ici mes paroles mystérieuses ? François et la Pauvreté : Francesco e Povertà. (Paradiso, cant. xi.)

À MADAME RÉCAMIER.
« Rome, 16 mai 1829.

« Cette lettre partira de Rome quelques heures après moi, et arrivera quelques heures avant moi à Paris. Elle va clore cette correspondance qui n’a pas manqué un seul courrier, et qui doit former un volume entre vos mains. J’éprouve un mélange de joie et de tristesse que je ne puis vous dire ; pendant trois ou quatre mois, je me suis assez déplu à Rome ; maintenant j’ai repris à ces nobles ruines, à cette solitude si profonde, si paisible et pourtant si pleine d’intérêt et de souvenir. Peut-être aussi le