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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Le comte de La Bourdonnaye, jadis mon ami, est bien le plus mauvais coucheur qui fut oncques : il vous lâche des ruades, sitôt que vous approchez de lui ; il attaque les orateurs à la Chambre, comme ses voisins à la campagne ; il chicane sur une parole, comme il fait un procès pour un fossé. Le matin même du jour où je fus nommé ministre des affaires étrangères, il vint me déclarer qu’il rompait avec moi : j’étais ministre. Je ris et je laissai aller ma mégère masculine, qui, riant elle-même, avait l’air d’une chauve-souris contrariée[1].

M. de Montbel, ministre d’abord de l’instruction publique, remplaça M. de La Bourdonnaye à l’intérieur quand celui-ci se fut retiré, et M. de Guernon-Ranville[2] suppléa M. de Montbel à l’instruction publique.

    maire de Toulouse, il ne faisait partie de la Chambre des députés que depuis les élections de novembre 1827. Après les journées de Juillet, il put échapper aux poursuites et gagner l’Autriche. Condamné comme contumace à la prison perpétuelle, et amnistié, ainsi que ses collègues, par le ministère Molé (29 novembre 1836), il revint en France et se tint à l’écart des affaires publiques. Il mourut à Frohsdorff en visite auprès du comte de Chambord, le 3 février 1861. On lui doit une Vie du duc de Reichstadt (1833) et une Relation des derniers moments de Charles X (1836).

  1. M. de Polignac ayant été nommé président du Conseil le 17 novembre 1829, M. de la Bourdonnaye donna sa démission de ministre de l’Intérieur. Un de ses amis lui demanda quel avait été le motif de sa retraite. « On voulait me faire jouer ma tête, répondit-il, j’ai désiré tenir les cartes. » (Papiers politiques de M. de Villèle.)
  2. Martial-Côme-Annibal-Perpétue-Magloire, comte de Guernon-Ranville (1787-1866). Il s’engagea en 1806 aux vélites de la garde impériale ; réformé pour cause de myopie, il se fit inscrire au barreau de Caen. En 1820, il devint président du tribunal civil de Bayeux. Avocat général à Colmar en 1821, procureur-