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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

richesse, ne voulait pas tomber dans les mains populaires ; il ne cessait de nourrir encore l’espoir d’un arrangement avec la royauté légitime ; il dit vivement à M. de Schonen : « Vous nous perdez en sortant de la légalité ; vous nous faites quitter une position superbe. » Cet esprit de légalité était partout ; il se montra dans deux réunions opposées, l’une chez M. Cadet-Gassicourt, l’autre chez le général Gourgaud. M. Périer appartenait à cette classe bourgeoise qui s’était faite héritière du peuple et du soldat. Il avait du courage, de la fixité dans les idées ; il se jeta bravement en travers du torrent révolutionnaire pour le barrer ; mais sa santé préoccupait trop sa vie, et il soignait trop sa fortune. « Que voulez-vous faire d’un homme, me disait M. Decazes, qui regarde toujours sa langue dans une glace ? »

La foule augmentant et commençant à paraître en armes, l’officier de la gendarmerie vint avertir le maréchal de Raguse qu’il n’avait pas assez de monde et qu’il craignait d’être forcé : alors le maréchal fit ses dispositions militaires.

Le 27, il était déjà quatre heures et demie du soir, lorsqu’on reçut dans les casernes l’ordre de prendre les armes. La gendarmerie de Paris, appuyée de quelques détachements de la garde, essaya de rétablir la circulation dans les rues Richelieu et Saint-Honoré. Un de ces détachements fut assailli, dans la rue du Duc-de-Bordeaux[1], d’une grêle de pierres. Le chef de

  1. La rue du duc de Bordeaux est devenue la rue du Vingt-neuf Juillet, en vertu d’une décision ministérielle du 19 août 1830. Elle est située entre la rue de Rivoli (no 208) et la rue Saint-Honoré (no 213), tout près de l’église Saint-Roch.