Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
303
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

traverser la place Louis XV : c’étaient les ministres s’en allant après leurs œuvres.

Arrivé à l’Étoile, Marmont reçut une lettre : elle lui annonçait que le roi avait donné à M. le Dauphin le commandement en chef des troupes, et que lui, maréchal, servirait sous ses ordres.

Une compagnie du 3e de la garde avait été oubliée dans la maison d’un chapelier, rue de Rohan ; après une longue résistance, la maison fut emportée. Le capitaine Meunier, atteint de trois coups de feu, sauta de la fenêtre d’un troisième étage, tomba sur un toit au-dessous, et fut transporté à l’hôpital du Gros-Caillou : il a survécu. La caserne Babylone, assaillie entre midi et une heure par trois élèves de l’École polytechnique, Vaneau, Lacroix et Ouvrier, n’était gardée que par un dépôt de recrues suisses d’environ une centaine d’hommes ; le major Dufay, Français d’origine, les commandait : depuis trente ans il servait parmi nous ; il avait été acteur dans les hauts faits de la République et de l’Empire. Sommé de se rendre, il refusa toute condition et s’enferma dans la caserne. Le jeune Vaneau périt. Des sapeurs-pompiers mirent le feu à la porte de la caserne ; la porte s’écroula ; aussitôt, par cette bouche enflammée, sort le major Dufay, suivi de ses montagnards, baïonnette en avant ; il tombe atteint de la mousquetade d’un cabaretier voisin ; sa mort protégea ses recrues suisses ; ils rejoignirent les différents corps auxquels ils appartenaient[1].

  1. Dans son Histoire de la Restauration (tome VIII, p. 663), Alfred Nettement raconte ainsi la prise de la caserne Babylone : « Le commandant Dufay refusa de capituler devant l’émeute ; il plaça ses soldats aux fenêtres et dans la cour, et le siège de la caserne commença. Il dura plusieurs heures en amenant des