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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

langage et sa conduite, à ce que la haute sagesse des âges nous a enseigné de plus excellent, je m’unis à cet homme par une sorte de nécessaire attachement. Il n’y a point de puissance dans le ciel ou sur la terre qui puisse m’empêcher de contempler avec respect et tendresse ceux qui ont atteint le sommet de la dignité et de la vertu. »

La cour aveugle de Charles X ne sut jamais où elle en était et à qui elle avait affaire : on pouvait mander M. le duc d’Orléans à Saint-Cloud, et il est probable que dans le premier moment il eût obéi ; on pouvait le faire enlever à Neuilly, le jour même des ordonnances : on ne prit ni l’un ni l’autre parti.

Sur des renseignements que lui porta madame de Bondy à Neuilly dans la nuit du mardi 27, Louis-Philippe se leva à trois heures du matin, et se retira en un lieu connu de sa seule famille. Il avait la double crainte d’être atteint par l’insurrection de Paris ou arrêté par un capitaine des gardes. Il alla donc écouter dans la solitude du Raincy les coups de canon lointains de la bataille du Louvre, comme j’écoutais sous un arbre ceux de la bataille de Waterloo. Les sentiments qui sans doute agitaient le prince ne devaient guère ressembler à ceux qui m’oppressaient dans les campagnes de Gand.

Je vous ai dit que, dans la matinée du 30 juillet, M. Thiers ne trouva point le duc d’Orléans à Neuilly ; mais madame la duchesse d’Orléans envoya chercher S. A. R. : M. le comte Anatole de Montesquiou[1] fut

  1. Ambroise-Anatole-Augustin, marquis de Montesquiou-Fezensac (1788-1878). Entré au service comme simple soldat en 1806, il était en 1814 colonel et aide-de-camp de l’Empereur. En 1816,