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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

La République, étourdie des coups qui lui étaient portés, cherchait à se défendre ; mais son véritable chef, le général La Fayette, l’avait presque abandonnée. Il se plaisait dans ce concert d’adorations qui lui arrivaient de tous côtés ; il humait le parfum des révolutions ; il s’enchantait de l’idée qu’il était l’arbitre de la France, qu’il pouvait à son gré, en frappant du pied, faire sortir de terre une république ou une monarchie ; il aimait à se bercer dans cette incertitude où se plaisent les esprits qui craignent les conclusions, parce qu’un instinct les avertit qu’ils ne sont plus rien quand les faits sont accomplis.

Les autres chefs républicains s’étaient perdus d’avance par divers ouvrages : l’éloge de la terreur, en rappelant aux Français 1793, les avait fait reculer. Le rétablissement de la garde nationale tuait en même temps, dans les combattants de juillet, le principe ou la puissance de l’insurrection. M. de La Fayette ne s’aperçut pas qu’en rêvassant la République, il avait armé contre elle trois millions de gendarmes.

Quoi qu’il en soit, honteux d’être sitôt pris pour dupes, les jeunes gens essayèrent quelque résistance. Ils répliquèrent par des proclamations et des affiches aux proclamations et aux affiches du duc d’Orléans. On lui disait que si les députés s’étaient abaissés à le supplier d’accepter la lieutenance générale du royaume, la Chambre des députés, nommée sous une loi aristocratique, n’avait pas le droit de manifester la volonté populaire. On prouvait à Louis-Philippe qu’il était fils de Louis-Philippe-Joseph ; que Louis-Philippe-Joseph était fils de Louis-Philippe ; que Louis-Philippe était fils de Louis, lequel était fils de Philippe II, régent ;