Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/357

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
343
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de La Fayette, jusqu’à ce qu’une Constitution eût été délibérée et arrêtée comme base fondamentale du gouvernement.

Le 30 au matin, il était question de proclamer la République. Quelques hommes déterminés menaçaient de poignarder la commission municipale, si elle ne conservait pas le pouvoir. Ne s’en prenait-on pas aussi à la Chambre des pairs ? On était furieux de son audace. L’audace de la Chambre des pairs ! Certes, c’était là, le dernier outrage et la dernière injustice qu’elle eût dû s’attendre à éprouver de l’opinion.

Il y eut un projet : vingt jeunes gens des plus ardents devaient s’embusquer dans une petite rue donnant sur le quai de la Ferraille, et faire feu sur Louis-Philippe, lorsqu’il se rendrait du Palais-Royal à la maison de ville. On les arrêta en leur disant : « Vous tuerez en même temps Laffitte, Pajol et Benjamin Constant. » Enfin on voulait enlever le duc d’Orléans et l’embarquer à Cherbourg : étrange rencontre, si Charles X et Philippe se fussent retrouvés dans le même port, sur le même vaisseau, l’un expédié à la rive étrangère par les bourgeois, l’autre par les républicains !

Le duc d’Orléans, ayant pris le parti d’aller faire confirmer son titre par les tribuns de l’Hôtel de Ville, descendit dans la cour du Palais-Royal, entouré de quatre-vingt-neuf députés en casquettes, en chapeaux ronds, en habits, en redingotes. Le candidat royal est monté sur un cheval blanc ; il est suivi de Benjamin Constant dans une chaise à porteur ballottée par deux