Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

puis il s’emporte contre les planteurs de ses pins. Il ne suit point l’étiquette cardinaliste ; il se fait accompagner par un seul laquais dans une voiture à sa guise : on lui pardonne tout, en l’appelant madama Vidoni[1].

Mes collègues d’ambassade sont le comte Lutzow, ambassadeur d’Autriche, homme poli ; sa femme chante bien, toujours le même air, et parle toujours de ses petits enfants ; le savant baron Bunsen[2], ministre de Prusse et ami de l’historien Niebuhr[3] (je

  1. Quand j’ai quitté Rome, il a acheté ma calèche et m’a fait l’honneur d’y mourir, en allant à Ponte-Mole (Note de Paris. 1836). — Ch.
  2. Le chevalier de Bunsen (1791-1860). Il avait, en 1823, remplacé Niebuhr comme ministre de Prusse à Rome, où il était déjà depuis 1818 et qu’il devait quitter seulement en 1838. Il devint alors chargé d’affaires à Berne, puis ambassadeur à Londres, où il resta jusqu’à la guerre de Crimée (1854). Diplomate éminent, le savant baron Bunsen fut, en même temps, un historien et un érudit des plus remarquables. Ses principaux ouvrages sont : les Basiliques de Rome chrétienne (1843) ; Ignace d’Antioche et son époque (1847) ; Hippolyte et son époque, ou vie et doctrine de l’Église romaine sous Commode et Sévère (1851). — Dans la Préface de ses Études historiques, Chateaubriand consacre à son ancien collègue les lignes suivantes : « Je dois à la politesse et à l’obligeance de M. le baron de Bunsen, ministre de S. M. le roi de Prusse, à Rome, un excellent extrait des Nibelüngs, que l’on trouvera à la fin du second volume de ces Études. Le savant M. de Bunsen était l’ami du grand historien Niebuhr ; plus heureux que moi, il foule encore ces ruines où j’espérais rendre à la terre image pour image, mon argile en échange de quelque statue exhumée. »
  3. Berthold-Georges Niebuhr (1774-1831). Il fut professeur d’histoire à l’Université de Berlin de 1810 à 1816, et professeur à l’Université de Bonn, de 1824 à 1831. Dans l’intervalle, de 1816 à 1823, il avait été ministre de Prusse à Rome. Il avait commencé dès 1811 la publication de son Histoire Romaine, à laquelle il travailla jusqu’à sa mort et qui, bien qu’inachevée, l’a placé au premier rang des historiens du xixe siècle.