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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

bouillet ! à Rambouillet ! Il ne faut pas qu’un seul Bourbon en réchappe. » Des hommes riches se trouvaient mêlés à ces groupes, mais, le moment arrivé, ils laissèrent partir la canaille, à la tête de laquelle se plaça le général Pajol, qui prit le colonel Jacqueminot[1] pour son chef d’état-major. Les commissaires qui revenaient, ayant rencontré les éclaireurs de cette colonne, retournèrent sur leurs pas et furent introduits alors à Rambouillet. Le roi les questionna sur la force des insurgés, puis, s’étant retiré, il fit appeler Maison, qui lui devait sa fortune et le bâton de maréchal[2] : « Maison, je vous demande sur l’honneur de me dire, foi de soldat, si ce que les commissaires ont raconté est vrai ? » Le maréchal répondit : « Ils ne vous ont dit que la moitié de la vérité. »

Il restait encore, le 3 août, à Rambouillet, trois mille cinq cents hommes de l’infanterie de la garde, quatre régiments de cavalerie légère, formant vingt escadrons, et présentant deux mille hommes. La mai-

  1. Jean-François Jacqueminot, vicomte de Ham (1787-1865). Colonel sous l’Empire, et chargé, après Waterloo, de reconduire la brigade Wathier dans le Midi, il brisa son épée pour ne pas assister au licenciement de l’armée. Il se retira à Bar-le-Duc, où il fonda une filature, dans laquelle il plaça de vieux soldats de la République et de l’Empire. Député des Vosges au moment des journées de Juillet, il y prit une part active, et il fut nommé, après la retraite de La Fayette, maréchal de camp et chef d’état-major de la garde nationale parisienne. Lieutenant-général depuis 1837, créé vicomte par Louis-Philippe, il devint, en 1842, commandant supérieur de la garde nationale. Il l’était encore au 24 février 1848, et il vit alors cette même garde, dont il avait en 1830 applaudi la révolte, méconnaître ses ordres pour suivre les exemples qu’il avait lui-même autrefois donnés.
  2. Voyez ci-dessus la note 1 de la page 71 (note 86 du Livre XII de la Troisième Partie).