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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tion sans doute, mais de fait ; par cela même ils m’avaient enlevé ma force. Que pouvais-je hasarder en faveur des ordonnances ? Comment aurais-je pu vanter encore la sincérité, la candeur, la chevalerie de la monarchie légitime ? Comment aurais-je pu dire qu’elle était la plus forte garantie de nos intérêts, de nos lois et de notre indépendance ? Champion de la vieille royauté, cette royauté m’arrachait mes armes et me laissait nu devant mes ennemis.

Je fus donc tout étonné quand, réduit à cette faiblesse, je me vis recherché par la nouvelle royauté. Charles X avait dédaigné mes services ; Philippe fit un effort pour m’attacher à lui. D’abord M. Arago me parla avec élévation et vivacité de la part de madame Adélaïde ; ensuite le comte Anatole de Montesquiou vint un matin chez madame Récamier et m’y rencontra. Il me dit que madame la duchesse d’Orléans et M. le duc d’Orléans seraient charmés de me voir, si je voulais aller au Palais-Royal. On s’occupait alors de la déclaration qui devait transformer la lieutenance générale du royaume en royauté. Peut-être, avant que je me prononçasse, S. A. R. avait-elle jugé à propos d’essayer d’affaiblir mon opposition. Elle pouvait aussi penser que je me regardais comme dégagé par la fuite des trois rois.

Ces ouvertures de M. de Montesquiou[1] me surprirent. Je ne les repoussai cependant pas ; car, sans

  1. « Durant le court intervalle du 3 au 7 août, dit M. Villemain, j’ai vu, chez Mme Récamier, M. de Chateaubriand sollicité par les prévenances d’un homme de grand nom et d’un esprit lettré, alors chevalier d’honneur de la duchesse d’Orléans : il s’agissait d’une visite au Palais-Royal. M. de Chateaubriand accepta. » (M. de Chateaubriand, sa vie et ses écrits, p. 493.) — Le cheva-