Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/391

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
377
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

moi qui retiens seul une foule menaçante. Si le parti royaliste n’est pas massacré, il ne doit sa vie qu’à mes efforts.

« — Monseigneur, répondis-je à cette déclaration si inattendue et si loin du sujet de notre conversation, j’ai vu des massacres : ceux qui ont passé à travers la Révolution sont aguerris. Les moustaches grises ne se laissent pas effrayer par les objets qui font peur aux conscrits. »

S. A. R. se retira, et j’allai retrouver mes amis :

« Eh bien ? s’écrièrent-ils.

« — Eh bien, il veut être roi.

« — Et madame la duchesse d’Orléans ?

« — Elle veut être reine.

« — Ils vous l’ont dit ?

« — L’un m’a parlé de bergeries, l’autre des périls qui menaçaient la France et de la légèreté de la pauvre Caroline ; tous deux ont bien voulu me faire entendre que je pourrais leur être utile, et ni l’un ni l’autre ne m’a regardé en face. »

Madame la duchesse d’Orléans désira me voir encore une fois[1]. M. le duc d’Orléans ne vint pas se mêler à cette conversation. Madame la duchesse d’Orléans s’expliqua plus clairement sur les faveurs dont monseigneur le duc d’Orléans se proposait de m’honorer. Elle eut la bonté de me rappeler ce qu’elle nommait ma puissance sur l’opinion, les sacrifices que j’avais faits, l’aversion que Charles X et sa famille

  1. « Dans ces jours si pressés, dit M. Villemain, page 496, M. de Chateaubriand fut, encore une fois, appelé près de la duchesse d’Orléans, seule avec Mme Adélaïde, et il reçut d’elle l’offre directe de l’ambassade de Rome, avec le vœu le plus formel de la lui voir accepter, dans l’intérêt de la religion. »