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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

M. de La Fayette était réduit à des désirs impuissants : heureux d’avoir fait revivre la garde nationale, il se laissa jouer comme un vieux maillot par Philippe, dont il croyait être la nourrice ; il s’engourdit dans cette félicité. Le vieux général n’était plus que la liberté endormie, comme la République de 1793 n’était plus qu’une tête de mort.

La vérité est qu’une Chambre sans mandat et tronquée n’avait aucun droit de disposer de la couronne : ce fut une Convention exprès réunie, formée de la Chambre des lords et d’une Chambre des communes nouvellement élue, qui disposa du trône de Jacques II. Il est encore certain que ce croupion de la Chambre des députés, que ces 221, imbus sous Charles X des traditions de la monarchie héréditaire, n’apportaient aucune disposition propre à la monarchie élective ; ils l’arrêtent dès son début, et la forcent de rétrograder vers des principes de quasi-légitimité. Ceux qui ont forgé l’épée de la nouvelle royauté ont introduit dans sa lame une paille qui tôt ou tard la fera éclater.

Le 7 d’août est un jour mémorable pour moi ; c’est celui où j’ai eu le bonheur de terminer ma carrière politique comme je l’avais commencée ; bonheur assez rare aujourd’hui pour qu’on puisse s’en réjouir. On avait apporté à la Chambre des pairs la déclaration de la Chambre des députés concernant la vacance du trône. J’allai m’asseoir à ma place dans le plus haut rang des fauteuils, en face du président. Les pairs me semblèrent à la fois affairés et abattus. Si quelques uns portaient sur leur front l’orgueil de leur prochaine infidélité, d’autres y portaient la honte des remords