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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

M. de Funchal, ambassadeur demi-avoué du Portugal, est ragotin, agité, grimacier, vert comme un singe du Brésil, et jaune comme une orange de Lisbonne[1] : il chante pourtant sa négresse, ce nouveau Camoëns. Grand amateur de musique, il tient à sa solde une espèce de Paganini, en attendant la restauration de son roi.

Par-ci, par-là, j’ai entrevu de petits finauds de ministres de divers petits États, tout scandalisés du bon marché que je fais de mon ambassade : leur importance boutonnée, gourmée, silencieuse, marche les jambes serrées et à pas étroits : elle a l’air prête à crever de secrets, qu’elle ignore.

Ambassadeur en Angleterre dans l’année 1822, je recherchai les lieux et les hommes que j’avais jadis connus à Londres en 1793 ; ambassadeur auprès du Saint-Siège en 1828, je me suis hâté de parcourir les palais et les ruines, de redemander les personnes que j’avais vues à Rome en 1803 : des palais et des ruines, j’en ai retrouvé beaucoup ; des personnes, peu.

    ratrice Christophe et ses demoiselles, M. de Pradt et ses œuvres pies. Ce M. de Poitiers (car il faut être correct, il n’a jamais été archevêque de Malines) est toujours si vif dans son allure, qu’il a perdu sur les bancs législateurs même sa calotte d’abbé de 1789. Maintenant il espère voir un conclave à Rome, une éruption au haut du Vésuve, ou une révolution au bas. M. de Chateaubriand approche : tant de célébrité méritée m’épouvante. Il me semble qu’en l’appelant mon collègue, je lui dirai, moi indigne, une grosse sottise, etc. »

  1. « Il est en effet impossible, ajoute ici en marge M. de Marcellus (page 334), de ne pas reconnaître à ces vives couleurs le noble ambassadeur du Portugal. Mais, si le peintre avait retranché à sa propre malice pour ajouter à la malice innée du modèle, le portrait eût été encore plus ressemblant. »