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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Soit ; soyons païens comme les vierges raphaéliques ; que notre talent dégénère et s’affaiblisse comme dans le tableau de la Transfiguration ! Cette erreur honorable de la nouvelle école sacrée n’en est pas moins une erreur ; il s’ensuivrait que la roideur et le mal dessiné des formes seraient la preuve de la vision intuitive, tandis que cette expression de foi, remarquable dans les ouvrages des peintres qui précèdent la Renaissance, ne vient point de ce que les personnages sont posés carrément et immobiles comme des sphinx, mais de ce que la peinture croyait comme son siècle. C’est sa pensée, non sa peinture, qui est religieuse ; chose si vraie, que l’école espagnole est éminemment pieuse dans ses expressions, bien qu’elle ait les grâces et les mouvements de la peinture depuis la Renaissance. D’où vient cela ? de ce que les Espagnols sont chrétiens.

Je vais voir travailler séparément les artistes : l’élève sculpteur demeure dans quelque grotte, sous les chênes verts de la villa Médicis, où il achève son enfant de marbre qui fait boire un serpent dans une coquille. Le peintre habite quelque maison délabrée dans un lieu désert ; je le trouve seul, prenant à travers sa fenêtre ouverte quelque vue de la campagne romaine. La Brigande de M. Schnetz est devenue la mère qui demande à une madone la guérison de son fils[1].

    lius. Cornélius, après quatorze années passées à Rome, de 1811 à 1824, rentra à Munich, où il devint directeur de l’Académie royale. Ses fresques de la Glyplothièque et de l’église Saint-Louis, où l’on admire surtout son Jugement dernier, lui assurent une des premières places parmi les peintres les plus célèbres de son temps.

  1. Jean-Victor Schnetz (1787-1870). Il était à Rome en 1828 et ne pouvait lui non plus, comme Overbeck, comme Schnorr,