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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

véritablement dévoués. Il m’a donc dit qu’il était inutile de me mêler de ses affaires ; j’en suis désolé, car j’aime à croire qu’elles auraient été arrangées selon ses désirs. Je me doute à peu près quelle est la personne qui, sur cet article, l’a fait changer ; si dans le temps j’avais été moins discret, elle n’aurait pas été à même de me nuire chez votre excellent patron. Enfin, je ne lui en suis pas moins dévoué, vous pouvez l’en assurer de nouveau en lui présentant mes hommages respectueux. J’ose espérer qu’un jour viendra où il pourra me connaître et me juger.

« Agréez, je vous prie, monsieur, etc. »

Hyacinthe fit à ce billet cette réponse que je lui dictai :

« Mon patron n’a rien du tout de particulier contre la personne qui m’a écrit ; mais il veut vivre hors de tout, et ne veut accepter aucun service. »

Bientôt après, la catastrophe arriva.

Connaissez-vous la rue des Prouvaires[1], rue étroite,

  1. La conspiration de la rue des Prouvaires ne laissa pas d’être assez sérieuse. Les conjurés étaient au nombre d’environ trois mille. L’argent ne leur manquait pas, ni le courage. Ils comptaient des complices jusque dans la domesticité du château ; ils étaient en possession de cinq clefs ouvrant les grilles du jardin des Tuileries, et l’entrée du Louvre leur était promise. Un grand bal devait avoir lieu à la Cour dans la nuit du 1er au 2 février 1832. Les conjurés choisirent cette nuit-là pour mettre leur complot à exécution. Il fut convenu que les uns se réuniraient par détachements sur divers points de la capitale, pour partir de là, au signal convenu, et marcher vers le château, tandis que, se glissant dans l’ombre des ruelles qui conduisent au Louvre, les autres pénètreraient dans la galerie des tableaux, feraient irruption dans la salle de bal, et, grâce au désordre de cette attaque imprévue, s’empareraient de la famille royale. Des