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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Napoléon, roi de Westphalie. Rome déchue offre un asile aux puissances tombées ; ses ruines sont un lieu de franchise pour la gloire persécutée et les talents malheureux.

Si j’avais peint la société de Rome il y a un quart de siècle, de même que j’ai peint la campagne romaine, je serais obligé de retoucher mon portrait ; il ne serait plus ressemblant. Chaque génération est de trente-trois années, la vie du Christ (le Christ est le type de tout) ; chaque génération, dans notre monde occidental, varie sa forme. L’homme est placé dans un tableau dont le cadre ne change point, mais dont les personnages sont mobiles. Rabelais était dans cette ville en 1536 avec le cardinal du Bellay ; il faisait l’office de maître d’hôtel de Son Éminence ; il tranchait et présentait.

Rabelais, changé en frère Jean des Entomeures, n’est pas de l’avis de Montaigne, qui n’a presque point ouï de cloches à Rome et beaucoup moins que dans un village de France ; Rabelais, au contraire, en entend beaucoup dans l’isle Sonnante (Rome), doutant que ce fust Dodone avec ses chaudrons[1].

Quarante-quatre ans après Rabelais, Montaigne trouva les bords du Tibre plantés, et il remarque que le 16 mars il y avait des roses et des artichauts à

  1. « Et entendismes un bruit de loing venant, fréquent et tumultueux, et nous semblait à l’ouïr que fussent cloches grosses, petites et médiocres, ensemble sonnantes comme l’on fait à Paris, à Tours, Gergeau, Nantes et ailleurs, ès jours de grandes festes. Plus approchions, plus entendions cette sonnerie renforcée. » Pantagruel, livre V, chapitre I : Comment Pantagruel arriva en l’isle sonnante, et du bruit qu’entendismes.