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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

fus aussitôt assiégé d’une armée d’indigents : bureaux de bienfaisance et de charité, ouvriers de toutes les espèces, femmes et enfants. Polonais et Italiens exilés, littérateurs, artistes, militaires, tous écrivirent, tous réclamèrent une part de bienfait. Si j’avais eu un million, il eût été distribué en quelques heures. M. de Bondy avait tort de dire que la population parisienne tout entière protesterait par son refus ; la population de Paris prendra toujours l’argent de tout le monde. L’effarade du gouvernement était à mourir de rire ; on eût dit que ce perfide argent légitimiste allait soulever les cholériques, exciter dans les hôpitaux une insurrection d’agonisants pour marcher à l’assaut des Tuileries, cercueil battant, glas tintant, suaire déployé sous le commandement de la Mort. Ma correspondance avec les maires se prolongea par la complication du refus du préfet de Paris. Quelques-uns m’écrivirent pour me renvoyer mon argent ou pour me redemander leurs reçus des dons de madame la duchesse de Berry. Je les leur renvoyai loyalement et je délivrai cette quittance à la mairie du douzième arrondissement : « J’ai reçu de la mairie du douzième arrondissement la somme de mille francs qu’elle avait d’a-

    charge d’ajouter que si la veuve du Constitutionnel veut bien se donner la peine de passer chez lui, il est prêt à lui faire part de la bienfaisance de la mère du duc de Bordeaux. Vous voyez, monsieur, que je n’ai pas l’honneur d’avoir été l’aide de camp de M. le duc de Berry, que je ne suis que le pauvre et fidèle secrétaire d’un homme aussi pauvre et aussi fidèle que moi.

    « Recevez, je vous prie, monsieur, l’assurance de ma considération très distinguée.

    « Hyacinthe Pilorge. »