Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

vant elle les générations rachetées descendues du jardin des Olives, elle disait à l’hérétique né d’hier : « Que veux-tu à ta vieille mère ? »

Léonora, la Romaine, enchanta Milton[1]. A-t-on jamais remarqué que Léonora se retrouve dans les Mémoires de madame de Motteville, aux concerts du cardinal Mazarin ?

L’ordre des dates amène l’abbé Arnauld[2] à Rome après Milton. Cet abbé, qui avait porté les armes, raconte une anecdote curieuse par le nom d’un des personnages, en même temps qu’elle fait revoir les mœurs des courtisanes. Le héros de la fable, le duc de Guise, petit-fils du Balafré, allant en quête de son aventure de Naples, passa par Rome en 1647 : il y connut la Nina Barcarola. Maison-Blanche, secrétaire de M. Deshayes, ambassadeur à Constantinople, s’avisa de vouloir être le rival du duc de Guise. Mal lui en prit ; on substitua (c’était la nuit dans une chambre sans lumière) une hideuse vieille à Nina. « Si les ris furent grands d’un côté, la confusion le fut de l’autre autant qu’on se le peut imaginer, dit Arnauld. L’Adonis, s’étant démêlé avec peine des embrassements de sa déesse, s’enfuit tout nu de cette maison, comme s’il eût le diable à ses trousses. »

  1. Milton n’a consigné nulle part les impressions qu’il avait reçues dans son voyage d’Italie, et il ne nous a guère laissé de son séjour à Rome d’autre trace que des vers galants, écrits en latin, il est vrai, et adressés à une cantatrice nommée Leonora : Ad Leonoram Romæ canentem.
  2. L’abbé Antoine Arnauld. fils aîné d’Arnauld d’Andilly, né en 1616, mort en 1698. Il a laissé d’agréables Mémoires. Il était le petit-fils d’Antoine Arnauld, l’avocat, et le neveu d’Antoine Arnauld, dit le grand Arnauld.