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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

aux insultes. Les générations si fort éprises de l’indépendance se sont vendues : communes dans leur conduite, intolérables dans leur orgueil, médiocres ou folles dans leurs écrits, je n’attends de ces générations que le dédain et je le leur rends ; elles n’ont pas de quoi me comprendre : elles ignorent la foi à la chose jurée, l’amour des institutions généreuses, le respect de ses propres opinions, le mépris du succès et de l’or, la félicité des sacrifices, le culte de la faiblesse et du malheur.

Après l’ordonnance de non-lieu, il me restait un devoir à remplir. Le délit dont j’avais été prévenu se liait à celui pour lequel M. Berryer était en prévention à Nantes. Je n’avais pu m’expliquer avec le juge d’instruction, puisque je ne reconnais pas la compétence du tribunal. Pour réparer le dommage que pouvait avoir causé à M. Berryer mon silence, j’écrivis à M. le ministre de la justice[1] la lettre qu’on va lire, et que je rendis publique par la voie des journaux.

« Paris, ce 3 juillet 1832.
« Monsieur le ministre de la justice,

« Permettez-moi de remplir auprès de vous, dans l’intérêt d’un homme trop longtemps privé de sa liberté, un devoir de conscience et d’honneur.

« M. Berryer fils, interrogé par le juge d’instruction à Nantes[2] le 18 du mois dernier, a répondu : Qu’il avait vu madame la duchesse de Berry ; qu’il lui avait soumis, avec le respect dû à son rang, à son

  1. M. Barthe.
  2. M. Bethuis.