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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

politesse ; ne pouvant aller moi-même chez elle, j’avais laissé libres les secrétaires et les attachés de lui faire leur cour, et j’avais invité le cardinal Fesch à un dîner diplomatique de cardinaux. Depuis la dernière chute de la Restauration, le hasard m’avait fait échanger quelques lettres avec la reine Hortense et le prince Louis. Ces lettres sont un assez singulier monument des grandeurs évanouies ; les voici :

MADAME DE SAINT-LEU, APRÈS AVOIR LU LA DERNIÈRE LETTRE DE M. DE CHATEAUBRIAND.
Arenenberg, ce 15 octobre 1831.

« M. de Chateaubriand a trop de génie pour n’avoir pas compris toute l’étendue de celui de l’empereur Napoléon. Mais à son imagination si brillante il fallait plus que l’admiration : des souvenirs de jeunesse, une illustre fortune, attirèrent son cœur : il y dévoua sa personne et son talent, et, comme le poëte qui prête à tout le sentiment qui l’anime, il revêtit ce qu’il aimait des traits qui devaient enflammer son enthousiasme. L’ingratitude ne le découragea pas, car le malheur était toujours là qui en appelait à lui ; cependant son esprit, sa raison, ses sentiments vraiment français en font malgré lui l’antagoniste de son parti. Il n’aime des anciens temps que l’honneur qui rend fidèle ; et la religion qui rend sage, la gloire de sa patrie qui en fait la force, la liberté des consciences et des opinions qui donne un noble essor aux facultés de l’homme, l’aristocratie du mérite qui ouvre une carrière à tou-