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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

M. Berryer, qui plaidait pour la Quotidienne, a pris indirectement ma défense. À la fin des débats, j’ai appelé le jury la pairie universelle, ce qui n’a pas peu contribué à notre acquittement à tous[1].

  1. Chateaubriand comparut devant la Cour d’Assises de la Seine, le 27 février 1833. Étaient poursuivis, en même temps que lui, les gérants de la Quotidienne, de la Gazette de France, du Revenant, de l’Écho Français, de la Mode, du Courrier de l’Europe, et un jeune étudiant, M. Victor Thomas. Ce dernier, le 4 janvier précédent, avait porté la parole, au nom des douze cents jeunes gens qui étaient allés témoigner à Chateaubriand leur enthousiasme et avaient redit avec lui : Madame, votre fils est mon roi ! Tous furent acquittés, après une admirable plaidoirie de Berryer. Quelques années après, le journal le Droit disait de ce plaidoyer : « Berryer défendit M. de Chateaubriand, comme M. de Chateaubriand devait être défendu, sans provocation et sans bravade, rendant hommage, en son nom, à ces rois de l’exil qu’avait adorés sa jeunesse et que sa vieillesse devait adorer. Tous ceux qui l’ont entendu se souviennent de tout ce qu’il eut de sublime et de véritablement inspiré… Il y a eu, à sa voix, une de ces impressions électriques et involontaires qu’il n’est donné qu’au génie de produire. » (Le Droit, 20 juin 1838.) — Le jour où Berryer vint prendre séance à l’Académie française, le 22 février 1855, le directeur, M. de Salvandy, évoqua en ces termes le souvenir de la plaidoirie du 27 février 1833 : « On comprend que, tout à l’heure, les souvenirs de la Sainte-Chapelle vous soient revenus à la pensée. Votre parole grava ce nom dans la mémoire publique le jour où vous aviez à vos côtés l’auteur du Génie du christianisme, sous les voûtes du palais et à quelques pas de la chapelle de Saint Louis. Ce plaidoyer est de ceux qui restent, Monsieur ; c’est votre discours pour le poète Archias. »

    On pourrait croire, d’après ces témoignages, et on croit généralement que, dans ce mémorable procès, Chateaubriand avait pris pour avocat M. Berryer. C’est une erreur. L’illustre écrivain n’avait pas voulu être défendu. Il s’était présenté à la Cour d’Assises sans avocat. Il se borna à répondre au réquisitoire du procureur général Persil par les paroles suivantes : « Je ne prétends pas défendre ma brochure ; je ne me lève pas en ce moment pour répondre au discours de M. le procureur du roi, je citerai seulement quelques passages qui expliquent