Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/621

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
605
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Rien de remarquable n’a signalé ce procès dans la terrible chambre qui avait retenti de la voix de Fouquier-Tinville et de Danton ; il n’y a eu d’amusant que l’argumentation de M. Persil : voulant démontrer ma culpabilité, il citait cette phrase de ma brochure : Il est difficile d’écraser ce qui s’aplatit sous les pieds, et il s’écriait : « Sentez-vous, messieurs, tout ce qu’il y a de méprisant dans ce paragraphe, il est difficile d’écraser ce qui s’aplatit sous les pieds ? » et il faisait le mouvement d’un homme qui écrase sous ses pieds quelque chose. Il recommençait triomphant : les rires de l’auditoire recommençaient. Ce brave homme ne s’apercevait ni du contentement de l’auditoire à la malencontreuse phrase, ni du ridicule parfait dont il était en trépignant dans sa robe noire comme s’il eût dansé, en même temps que son visage était pâle d’inspiration et ses yeux hagards d’éloquence[1].

    mes intentions, qu’on a aggravées. Je ne suis pas sorti de ma retraite pour troubler l’ordre ; je ne suis revenu en France que lorsqu’on a fait des lois de proscription contre une famille qu’il était de mon devoir de défendre. » Il lut ensuite quelques mots de son Mémoire et cita les paroles touchantes qui le terminaient.

    Berryer prit la parole comme avocat de la Quotidienne et de la Gazette de France. « Je ne suis pas, dit-il en commençant, chargé de défendre M. de Chateaubriand. » S’il lui arriva d’en parler, cependant, et s’il le fit en termes magnifiques, ce ne fut pas comme son avocat, mais comme royaliste et comme Français.

    Me  Charles Ledru, dont Chateaubriand signale l’intervention, qui fut, paraît-il, assez malheureuse, défendait l’Écho français, une des feuilles incriminées.

  1. Jean-Charles Persil (1785-1870), député de 1830 à 1839, pair de France de 1839 à 1848, conseiller d’État sous le Second Empire. Au lendemain de la révolution de juillet, il avait été nommé procureur général près la cour royale de Paris. Le