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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Tandis qu’il défend les confins des Gaules et les champs amis, il meurt percé d’une lance calédonnienne. »

Le poète n’aurait-il pas mis Caledonia pour la quantité ? En 1346, Édouard était en guerre avec Robert Bruce, et les Écossais étaient alliés de Philippe.

La mort de Jean de Bohême l’Aveugle, à Crécy, est une des aventures les plus héroïques et les plus touchantes de la chevalerie. Jean voulait aller au secours de son fils Charles ; il dit à ses compagnons : « Seigneurs, vous êtes mes amis : je vous requiers que vous me meniez si avant que je puisse férir un coup d’espée ; ils répondirent que volontiers ils le feroient… Le roi de Bohême alla si avant, qu’il férit un coup de son espée, voire plus de quatre, et recombattit moult vigoureusement, et aussi firent ceux de sa compagnie ; et si avant s’y boutèrent sur les Anglois, que tous y demourèrent et furent le lendemain trouvés sur la place autour de leur seigneur, et tous leurs chevaux liés ensemble. »

On ne sait guère que Jean de Bohême était enterré à Montargis, dans l’église des Dominicains, et qu’on lisait sur sa tombe ce reste d’une inscription effacée : « Il trépassa à la tête de ses gens, ensemblement les recommandant à Dieu le Père. Priez Dieu pour ce doux roi. »

Puisse ce souvenir d’un Français expier l’ingratitude de la France, lorsqu’aux jours de nos nouvelles calamités nous épouvantâmes le ciel par nos sacrilèges et jetâmes hors de sa tombe un prince mort pour nous aux jours de nos anciens malheurs !

À Carlsbad, les chroniques racontent que Charles IV,