Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
230
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de soie, des orangers, des figuiers et de la douceur de l’air, moi qui, si peu de temps auparavant, cheminais dans les sapinières de la Germanie et sur les monts des Tchèques où le soleil a mauvais visage.

J arrivai le 10 de septembre au lever du jour à Fusina, que Philippe de Comines et Montaigne appellent Chaffousine. À dix heures et demie, j’étais débarqué à Venise. Mon premier soin fut d’envoyer au bureau de la poste : il ne s’y trouva rien ni à mon adresse directe ni à l’adresse indirecte de Paolo : de madame la duchesse de Berry, aucune nouvelle. J’écrivis au comte Griffi, ministre de Naples à Florence, pour le prier de me faire connaître la marche de Son Altesse Royale.

M’étant mis en règle, je me résolus d’attendre patiemment la princesse : Satan m’envoya une tentation. Je désirai, par ses suggestions diaboliques, demeurer seul une quinzaine de jours à l’hôtel de l’Europe, au détriment de la monarchie légitime. Je souhaitai de mauvais chemins à l’auguste voyageuse, sans songer que ma restauration du roi Henri V pourrait être retardée d’un demi-mois : j’en demande, comme Danton, pardon à Dieu et aux hommes.

Venise, hôtel de l’Europe, 10 septembre 1833.
venise


Salve, Italum Regina  .  .
.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  
Nec tu semper eris. (Sannazar.)

O d’Italia dolente
Eterno lume…

Venezia ! (Chiabrera.)