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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

colombes, couvertes de duvet, agitent leurs ailes et gémissent aux grilles, en attendant leur mère. On encloîtrait autrefois d’innocentes créatures presque au sortir du berceau ; leurs parents ne les apercevaient plus qu’à travers les barreaux du parloir ou les guichets de la porte.

Venise, septembre 1833.

Vous pensez bien qu’à Venise je m’occupais nécessairement de Silvio Pellico.[1] M. Gamba m’avait appris que l’abbé Betio était le maître du palais, et qu’en m’adressant à lui je pourrais faire mes recherches. L’excellent bibliothécaire, auquel j’eus recours un matin, prit un gros trousseau de clefs, et me conduisit, en passant plusieurs corridors et montant divers escaliers, aux mansardes de l’auteur de Mie Prigioni.

M, Silvio Pellico ne s’est trompé que sur un point ; il a parlé de sa geôle comme de ces fameuses prisons-cachots en l’air, désignées par leur toiture sotto i

  1. La lecture des Mie Prigioni avait vivement frappé Chateaubriand. Dès son précédent voyage en Italie, il en parlait en ces termes à Mme Récamier, dans une lettre datée de Bâle, 17 mai 1833 : « Me voilà, à Bâle sans accident. Vous avez vu passer ce beau fleuve qui va vous porter en France, un moment, de mes nouvelles. Les voyages me rendent toujours force, sentiment et pensée ; je suis fort en train d’écrire le nouveau prologue d’un livre. J’ai lu Pellico tout entier en courant. J’en suis ravi ; je voudrais rendre compte de cet ouvrage, dont la sainteté empêchera le succès auprès de nos révolutionnaires, libres à la façon de Fouché. N’êtes-vous pas enchantée de la Zanze sotto i Piombi ? et le petit sourd-muet ? et le vieux geôlier Schiller, et les conversations religieuses par la fenêtre, et notre pauvre Maroncelli ? et cette pauvre jeune femme du sopr’ intendente, qui meurt si doucement ? et le retour dans la belle Italie ? »