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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Butschirad. MM. Dufougerais[1] et Nugent[2] me menèrent en ambassade chez Charles X le soir même de

  1. Alfred-Xavier, baron Dufougerais (1804-1874). Son grand-père, Daniel-François, avait été fusillé à Angers en 1793 comme royaliste ; son père, Benjamin-François, directeur de la Caisse d’amortissement et des dépôts et consignations, avait été député au Corps législatif de 1811 à 1815, et membre de la Chambre des députés de 1815 à 1818. Alfred Dufougerais était avocat au barreau de Paris, lorsqu’il devint en 1828 l’un des propriétaires et l’un des rédacteurs de la Quotidienne. Au mois d’avril 1831, il se rendit acquéreur de la Mode, revue du monde élégant, créée en 1829 par Émile de Girardin, qui en avait fait un simple journal de salons, ne s’occupant pas de politique, mais de mode, de littérature et de beaux-arts. Le nouveau propriétaire la transforma en revue politique ; il lui laissa son article et ses gravures de modes, pour justifier le titre et pour ne pas perdre le bénéfice de cette spécialité ; mais, en même temps, elle devenait entre ses mains une arme de guerre contre la monarchie de Juillet. Sans être précisément un écrivain, Alfred Dufougerais avait, à un degré rare, l’instinct du journaliste, et, sous sa direction, la Mode eut vite fait de prendre le premier rang à l’avant-garde de la presse royaliste. Au mois de septembre 1834, l’altération de sa santé l’obligea de céder la propriété de son journal à un ancien receveur particulier des finances, M. Gouze, qui confia la rédaction en chef à Édouard Mennechet, poète et prosateur de talent, ancien secrétaire de la Chambre du roi Charles X. Doué d’un vrai talent de parole, Alfred Dufougerais préférait les luttes du barreau à celles de la presse. Dans le procès de Chateaubriand, il défendit le gérant de la Mode, et son plaidoyer se fit remarquer, même à côté de celui de Berryer. À peu de temps de là, il défendait les Vendéens devant la Cour d’assises de Niort. Il devint bientôt l’avocat en titre des journaux royalistes en province comme à Paris. À Laval, il fit acquitter trois fois l’Indépendant de l’Ouest, ce qui lui valut d’obtenir dans la Mayenne, aux élections de 1848, plus de 30 000 voix. Il n’avait pas été nommé cependant. Aux élections de la Législative, l’année suivante, il fut envoyé à la Chambre par le département de la Vendée. Il vota constamment avec la droite et rentra dans la vie privée au 2 décembre 1851.
  2. Le vicomte Charles de Nugent, rédacteur du Revenant et de la Mode, prosateur et poète, auteur d’un joli recueil de Pensées. Il a écrit le récit de son voyage à Prague.