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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

nari accompagnés de gendarmes. Que veulent donc les souverains ? Qui reconnaissent-ils pour amis ? Craignent-ils la trop grande foule de leurs partisans ? Au lieu d’être touchés de la fidélité, ils traitent les hommes dévoués à leur couronne comme des propagandistes et des révolutionnaires.

Le maître de poste de Schlau venait d’inventer l’accordéon : il m’en vendit un ; toute la nuit, je fis jouer le soufflet dont le son emportait pour moi le souvenir du monde[1].

Carlsbad (je le traversai le 30 septembre) était désert ; salle d’opéra après la pièce jouée. Je retrouvai

  1. Je reçus de Périgueux, le 14 novembre, la lettre suivante : mon éloge à part, elle constate les faits que j’ai racontés :
    « Périgueux, 10 novembre 1833.
    « Monsieur le vicomte,

    « Je ne puis résister au désir de vous témoigner toute la peine que j’ai éprouvée lundi 28 octobre, lorsqu’on m’annonça votre absence. Je m’étais présenté chez vous pour avoir l’honneur de vous présenter mes hommages et entretenir quelques instants l’homme à qui j’ai voué toute mon admiration. Obligé de repartir le soir même de Paris, où peut-être je ne dois plus retourner, il eût été bien doux pour moi de vous avoir vu. Lorsque, malgré la modicité de la fortune de ma famille, j’entrepris le voyage de Prague, j’avais mis au nombre de mes espérances celle d’avoir l’honneur de me faire connaître de vous. Et, cependant, monsieur le vicomte, je ne puis pas dire que je ne vous ai pas vu : j’étais au nombre des huit jeunes gens que vous rencontrâtes au milieu de la nuit à Schlau, à peu de distance de Prague. Nous arrivions après avoir été cinq jours mortels victimes de l’intrigue qui depuis nous a été révélée. Cette rencontre, en ce lieu, à cette heure, a quelque chose de bizarre et ne s’effacera jamais de mon souvenir, non plus que l’image de celui à qui la France royaliste doit les services les plus utiles.

    « Agréez, je vous prie, etc.

    « P.-G.-Jules Determes. »

    (Note de Chateaubriand.)