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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

cause et un grand théâtre ; vraisemblablement ses funérailles eussent été honorées de jeux sanglants ; il nous a abandonnés pour une misérable querelle qui ne valait pas un cheveu de sa tête.

Il se trouvait dans un de ses accès naturels de mélancolie, lorsqu’il inséra à mon sujet, dans le National, un article auquel je répondis par ce billet :

« Paris, 5 mai 1834.

« Votre article, monsieur, est plein de ce sentiment exquis des situations et des convenances qui vous met au-dessus de tous les écrivains politiques du jour. Je ne vous parle pas de votre rare talent ; vous savez qu’avant d’avoir l’honneur de vous connaître, je lui ai rendu pleine justice. Je ne vous remercie pas de vos éloges ; j’aime à les devoir à ce que je regarde à présent comme une vieille amitié. Vous vous élevez bien haut, monsieur ; vous commencez à vous isoler comme tous les hommes faits pour une grande renommée ; peu à peu la foule, qui ne peut les suivre, les abandonne, et on les voit d’autant mieux qu’ils sont à part.

« Chateaubriand. »

    nement des docteurs Orfila et Auvity et les commentaires donnés à leur voyage par les feuilles républicaines. Plusieurs duels s’ensuivirent, et il fut un moment question de vider la querelle de parti à parti et par une sorte de combat des Trente. Carrel, à la suite d’un article paru dans le National, accepta une provocation personnelle, et, sur une liste de dix noms, choisit celui de M. Roux-Laborie fils, dont la personne lui était complètement inconnue. Le duel eut lieu le 2 février. L’arme choisie était l’épée ; les deux adversaires furent blessés : M. Roux-Laborie de deux coups dans le bras et dans la main ; Carrel d’un coup dans le ventre, qui mit sa vie en péril.