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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

vaste destruction politique, placée au milieu de l’ancien monde ; craignons qu’il ne s’établisse une destruction beaucoup plus funeste, craignons une destruction morale par le côté mauvais de cette révolution. Que deviendrait l’espèce humaine, si l’on s’évertuait à réhabiliter des mœurs justement flétries, si l’on s’efforçait d’offrir à notre enthousiasme d’odieux exemples, de nous présenter les progrès du siècle, l’établissement de la liberté, la profondeur du génie dans des natures abjectes ou des actions atroces ? N’osant préconiser le mal sous son propre nom, on le sophistique : donnez-vous de garde de prendre cette brute pour un esprit de ténèbres, c’est un ange de lumière ! Toute laideur est belle, tout opprobre honorable, toute énormité sublime ; tout vice a son admiration qui l’attend. Nous sommes revenus à cette société matérielle du paganisme où chaque dépravation avait ses autels. Arrière ces éloges lâches, menteurs, criminels, qui faussent la conscience publique, qui débauchent la jeunesse, qui découragent les gens de bien, qui sont un outrage à la vertu et le crachement du soldat romain au visage du Christ !

Paris, 1839.

Étant à Prague en 1833, Charles X me dit : « Ce vieux Talleyrand vit donc encore ? » Et Charles X a quitté la vie deux ans avant M. de Talleyrand ; la mort privée et chrétienne du monarque contraste avec la mort publique de l’évêque apostat, traîné récalcitrant aux pieds de l’incorruptibilité divine.

Le 3 octobre 1836 j’avais écrit à madame la du-