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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Louis XVI partit pour l’échafaud, l’officier de service refusa de recevoir le testament du condamné parce que le temps lui manquait et qu’il devait, lui officier, conduire le roi au supplice : le roi répondit : « C’est juste. » Si Charles X, dans d’autres jours de péril, eût traité sa vie avec cette indifférence, qu’il se fût épargné de misères ! On conçoit que les Bourbons tiennent à une religion qui les rend si nobles au dernier moment ; Louis IX, attaché à sa postérité, envoie le courage du saint les attendre au bord du cercueil. Cette race sait admirablement mourir : il y a plus de huit cents ans, il est vrai, qu’elle apprend la mort.

Charles X s’est en allé persuadé qu’il ne s’était pas trompé ; s’il a espéré dans la miséricorde divine, c’est en raison du sacrifice qu’il a cru faire de sa couronne à ce qu’il pensait être le devoir de sa conscience et le bien de son peuple ; les convictions sont trop rares pour n’en pas tenir compte. Charles X a pu se rendre ce témoignage que le règne de ses deux frères et le sien n’avaient été ni sans liberté ni sans gloire : sous le roi martyr, l’affranchissement de l’Amérique et l’émancipation de la France ; sous Louis XVIII, le gouvernement représentatif donné à notre patrie, le rétablissement de la royauté opéré en Espagne ; l’indépendance de la Grèce recouvrée à Navarin ; sous Charles X, l’Afrique à nous laissée en compensation du territoire perdu par les conquêtes de la République et de l’Empire : ce sont là des résultats qui demeurent acquis à nos fastes, en dépit des stupides jalousies et des vaines inimitiés ; ces résultats ressortiront davantage à mesure que l’on s’enfoncera dans les abaissements de la royauté de Juillet. Mais il est à