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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

contre un caractère faible et irrésolu, et les actes de l’ambassade de lord Strangford resteront pour servir d’exemple et d’instruction tant que l’empereur régnera.

« Ce même ambassadeur affecte aujourd’hui un mécontentement qui semble aller jusqu’à l’indignation contre ceux de ses compatriotes qui se vouent à la cause des Grecs, et surtout contre les capitaines de la marine royale anglaise, qui subitement se sont montrés aussi chauds protecteurs des insurgés qu’ils avaient été jusque-là ardents à les persécuter. Il déplore la perte de son influence ministérielle ; ses plaintes sont ici répétées avec une affectation plaisante par sir Charles Bagot[1] et le comte de Lebzeltern[2], qui doivent réellement avoir bien de la confiance dans la bonhomie de ceux auxquels ils s’adressent. Lord Strangford a fait preuve de beaucoup trop d’esprit pendant sa négociation pour que quiconque ne veut pas volontairement fermer les yeux puisse penser qu’il se soit trompé sur les intentions véritables de son gouvernement. Le tout est une partie parfaitement bien jouée ; cependant ce ne sera que quand nous verrons un ambassadeur russe aux prises avec le divan que nous pourrons juger si toutes les chances de cette partie ont été bien calculées.

« Il me semble, monsieur le vicomte, que notre rôle dans cette situation est d’attendre ; peut-être que plus tard les circonstances pourront arracher l’empereur à son sommeil : le réveil alors pourrait

  1. Ambassadeur d’Angleterre près la cour de Russie.
  2. Ambassadeur d’Autriche à Saint-Pétersbourg.