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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

triche à Paris pour la Suisse et l’Italie. En effet, monsieur le comte, j’ai traversé l’Allemagne et mon nom a suffi pour qu’on me laissât passer. Ce matin seulement, M. le chef de la douane autrichienne de Haselbach ne s’est pas cru autorisé à la même complaisance et cela par les motifs énoncés dans son visa sur mon passe-port ci-joint, et sur celui de M. Pilorge, mon secrétaire. Il m’a forcé, à mon grand regret, de rétrograder jusqu’à Waldmünchen, où j’attends vos ordres. J’ose espérer, monsieur le comte, que vous voudrez bien lever la petite difficulté qui m’arrête, en m’envoyant, par l’estafette que j’ai l’honneur de vous expédier, le permis nécessaire pour me rendre à Prague, et de là à Vienne.

« Je suis avec une haute considération, monsieur le gouverneur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

« Chateaubriand. »

« Pardonnez, monsieur le comte, la liberté que je prends de joindre un billet ouvert pour M. le duc de Blacas. »

Un peu d’orgueil perce dans cette lettre : j’étais blessé ; j’étais aussi humilié que Cicéron, lorsque, revenant en triomphe de son gouvernement d’Asie, ses amis lui demandèrent s’il arrivait de Baïes ou de sa maison de Tusculum. Comment, mon nom, qui volait d’un pôle à l’autre, n’était pas venu aux oreilles d’un douanier dans les montagnes d’Haselbach ! chose d’autant plus cruelle qu’on a vu mes succès à Bâle. En Bavière, j’avais été salué de Monseigneur ou d’Ex-