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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

voleurs. Je signale aux voyageurs l’excellente chambre où j’écris cet inventaire qui joute avec celui de l’Avare ; je la recommande aux légitimistes futurs qui pourraient être arrêtés par les héritiers du bouquetin roux de Haselbach. Cette page de mes Mémoires fera plaisir à l’école littéraire moderne.

Après avoir compté, à la lueur de la veilleuse, les astragales du plafond, regardé les gravures de la jeune Milanaise, de la belle Helvétienne, de la jeune Française, de la jeune Russe, du feu roi de Bavière, de la feue reine de Bavière, qui ressemble à une dame que je connais et dont il m’est impossible de me rappeler le nom, j’attrapai quelques minutes de sommeil.

Délité le 22 à sept heures, un bain emporta le reste de ma fatigue, et je ne fus plus occupé que de ma bourgade, comme le capitaine Cook d’un îlot découvert par lui dans l’océan Pacifique.

Waldmünchen est bâti sur la pente d’une colline ; il ressemble assez à un village délabré de l’État romain. Quelques devants de maison peints à fresque, une porte voûtée à l’entrée et à la sortie de la principale rue, point de boutiques ostensibles, une fontaine à sec sur la place. Pavé épouvantable mêlé de grandes dalles et de petits cailloux, tels qu’on n’en voit plus que dans les environs de Quimper-Corentin.

Le peuple, dont l’apparence est rustique, n’a point de costume particulier. Les femmes vont la tête nue ou enveloppée d’un mouchoir, à la guise des laitières de Paris ; leurs jupons sont courts ; elles marchent jambes et pieds nus, de même que les enfants. Les hommes sont habillés, partie comme les gens du peuple de nos villes, partie comme nos anciens pay-