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LIVRE DEUXIÈME

Ce n’est donc pas à l’hôtel du cardinal de Retz que Rancé aurait pu apprendre à se plaire dans la capitale du monde chrétien. La société de Rome ne pouvait lui offrir aucune ressource.

Néanmoins, à l’époque de Rancé Rome n’était pas dépourvue de Français dignes de lui : en 1664 Poussin avait acheté, de la dot de sa femme, une maison sur le mont Pincio, auprès d’un casino de Claude Lorrain, en face de l’ancienne retraite de Raphaël, au bas des jardins de la villa Borghèse ; noms qui suffisent pour jeter l’immortalité sur cette scène. Le Poussin mourut au mois de novembre 1665, et fut enterré dans Saint-Laurent in Lucinia. Si Rancé eût attendu seulement cinq ou six mois, il aurait pu assister à des funérailles avec l’abbé Nicaise, auteur d’un voyage à la Trappe, là où je n’ai eu que l’honneur de placer un buste. Le réformateur aimait les tableaux, témoin ceux qu’il avait lui-même esquissés : en voyant le cercueil du Poussin, il aurait été touché, tandis que se serait augmenté son mépris pour la gloire humaine. « J’ai rencontré, Poussin, dit Bonaventure d’Argonne ? dans les débris de Rome, ou dessinant sur les bords du Tibre. » L’abbé Antoine Arnauld, de la génération de Port-Royal, affilié depuis à la Trappe, avait aussi fré-