Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
LIVRE TROISIÈME

Buon-Solazzo (Bonne-Consolation), et fonda une maison de trappistes sur les charmantes collines de la Toscane. Joseph Bernier, moine qui restait de l’ancienne Trappe, passa, à l’arrivée de Rancé, dans l’étroite observance ; il demanda en expirant que son corps fût jeté à la voirie : cynisme de la religion, où se montre le cas que les chrétiens faisaient de la matière. Ces rigueurs se rattachent à un ordre de philosophie que notre esprit n’est pas plus capable de comprendre que nos mœurs de supporter. Timée, dans Diogène-Laërce, raconte que les Pythagoriciens mettaient leurs biens en commun, appelaient l’amitié égalité, ne mangeaient point de viande, étaient cinq ans sans parler, et rejetaient par humilité les cercueils de cyprès, parce que le sceptre de Jupiter était fait de ce bois.

Ces pécheurs de la Trappe et de Port-Royal se trouvèrent confondus avec des non-savants de toutes natures. À Port-Royal était le jeune Lindo, d’une bonté et d’une ouverture de cœur à l’égard de tout le monde qui ne se peut concevoir. « Je sentais pour lui, décrit l’ingénu Fontaine, une tendresse particulière ; il était fort simple, et je l’étais aussi. »

De même parut à la Trappe frère Benoît, gen-