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VIE DE RANCÉ

France attend une réparation de ma part, et si j’avais mis le feu à Port-Royal ou que je l’eusse renversé de fond en comble, il ne m’en dirait pas davantage. »

Rancé avait raison, il n’avait pas mis le feu à Port-Royal ; quant à la convenance de ses prévisions, c’était une convenance que se donnent facilement les hommes accoutumés à se servir de la plume. Pour ce qui est du grand Arnauld dont on ne lit plus les ouvrages ; les dernières années de sa vie avaient affaibli le sérieux qui lui servait de bouclier. Caché à l’hôtel de Longueville, déguisé sous un habit gris, l’épée au côté, affublé d’une grande perruque, le vieux janséniste était nourri dans une chambre haute par l’aventurière de la Fronde. Il commettait mille imprudences. Madame de Longueville disait qu’elle aurait mieux aimé confier ses secrets à un libertin. Il ne voulait point de paix ; il avait, disait-il, pour se reposer l’éternité tout entière. Lorsqu’on jouit d’une imposante renommée, il faut éviter les travestissements peu dignes.

Au surplus les vertus de Rancé ôtaient la force à tous ses ennemis. Le P. Quesnel même, désavouant la lettre haute qu’il avait écrite à l’abbé