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VIE DE RANCÉ

conta elle-même au saint abbé. « Une nuit, dit-elle, que je croyais marcher seule dans une forêt, je rencontrai un aveugle dans une petite loge ; je lui demandai s’il était aveugle de naissance, ou s’il l’était devenu par accident. Il me répondit qu’il était né aveugle. Vous ne savez donc pas, lui dis-je, ce que c’est que la lumière, qui est si belle et si agréable ? Non, me répondit-il, cependant je ne laisse pas de croire que c’est quelque chose de très beau. Alors il me semblait que cet aveugle changea tout à coup de voix, et me parlant avec autorité, me dit : Cela doit vous apprendre qu’il y a des choses excellentes, quoiqu’on ne les puisse comprendre. »

Bossuet, dans son Oraison funèbre, parle de son ami Rancé : « Un saint abbé, dont la doctrine et la vie sont un ornement de notre siècle, ravi d’une conversion aussi admirable et aussi parfaite que celle de notre princesse, lui ordonna de l’écrire pour l’édification de l’Église ; elle commence ce récit en confessant son erreur : Vous, Seigneur, dont la bonté infinie n’a rien donné aux hommes de plus efficace pour effacer leurs péchés que la grâce de les reconnaître, recevez l’humble confession de votre servante. »