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LIVRE QUATRIÈME

pourquoi bon me guérir ? À quoi suis-je bon ? Que faisais-je en ce monde, qu’offenser Dieu ? » Quand il y avait quelque relâche à ses souffrances et qu’on le félicitait, il disait : « De quoi me félicitez-vous ? De ce que je suis retenu en prison de ce que, mes liens étant près de se rompre, on m’a chargé de nouveaux fers ? »

Rancé brûla une quantité de lettres remplies de témoignages d’admiration ; il en conserva d’autres en marge desquelles étaient écrits de sa main ces deux mots : Lettres à garder. C’étaient des lettres diffamatoires contre lui. Était-ce humilité ou orgueil ? Le Père de Monty était venu le voir, et le força d’appeler un médecin. « Il faut s’écrier comme Job, disait-il : Que celui qui a commencé achève de me réduire en poussière. » On le conjurait de quitter pour quelque temps l’air de sa retraite. « J’ai dit en entrant ici, répondait-il : Hæc requies mea. »

À ceux qui lui objectaient le peu de certitude de la durée de la Trappe, il répondait : « Elle durera ce qu’elle doit durer. Si, dans les âges supérieurs, on s’était conduit par cette considération qu’il n’y a rien qui ne soit sujet à la décadence, où en serait aujourd’hui le champ de Jésus-Christ ? »