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VIE DE RANCÉ

nir. » Monsieur était tout le contraire de la sublimité de cette vie ; il fut père du duc d’Orléans. Il avait d’effroyables mœurs dont aurait pu témoigner le chevalier de Lorraine, de la fière maison des Guise. Plongé dans le repos, il s’abandonna à des femmes dont madame de Fresnes lui disait : « Vous ne déshonorez pas les femmes qui vous hantent, ce sont elles qui vous déshonorent. » Il se donnait la détestable privauté d’étendre la main sur un siège où venait s’asseoir une femme. Il était fou du bruit des cloches ; il empoisonna peut-être sa première femme, Henriette d’Angleterre. Sa seconde femme fut Charlotte-Élisabeth, fille de Charles-Louis, électeur de Bavière. Celle-ci, aussi laide que Henriette avait été agréable, était grossière : elle avait beaucoup d’esprit en allemand ; elle est connue par le cynisme avec lequel elle parle d’elle-même et du grand roi son beau-frère. Elle écrivait : « Dans tout l’univers entier on ne peut, je crois, trouver de plus laides mains que les miennes ; mes yeux sont petits, j’ai le nez court et gros, les lèvres longues et plates, de grandes joues pendantes, une figure longue ; je suis très petite de stature ; ma taille et ma jambe sont grosses. » S’étant arrangée de cette façon, on peut juger qu’elle était à l’aise pour parler de son prochain ;