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VIE DE RANCÉ

disait de Louis XIV : « Ce n’est qu’un vieux gentilhomme de campagne dans son château : il n’a plus qu’une dent, et il la garde contre moi. » Ce chevalier fit établir, sous la régence, un bal à l’Opéra. Le régent s’y montrait ivre, et le chevalier reçut pour ce service six milles livres de pension. On élargissait dans la bourse du peuple la déchirure par où devait passer la France.

Il ne manquait plus qu’un roi à la Trappe : il y vint ; il avait porté trois couronnes. Jacques II, chassé de son trône, avait débarqué sur les côtes de France, menant son fils naturel : personne ne fut frappé de cette confusion de mœurs ; Louis XIV donnait l’exemple. Les enfants illégitimes étaient alors fort considérés, excepté du prince d’Orange ; on lui voulait faire épouser mademoiselle de Conti (mademoiselle de Blois), fille de madame de La Vallière ; il répondit : « Les princes d’Orange ne sont pas accoutumés à épouser des bâtardes. »

En voyant Jacques II, on ne songea qu’à la générosité du roi sur le trône et au malheur du roi détrôné. De retour de son expédition d’Irlande, Jacques se vint consoler à la Trappe. Le canon qui l’avait chassé à la Boyne le repoussa parmi les morts : il y arriva le 21 novembre 1690. Les lieux communs sur le néant des grandeurs ne