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VIE DE RANCÉ

pour le roi du ciel. — Mais, répondit lord Dumbarton, ne vous ennuie-t-il point dans cette solitude ? — Je pense à l’éternité. — Votre état, ajouta le roi, prenant la parole, est plus heureux que celui des grands vous mourrez de la mort des justes. » Puis il regarda le solitaire, comme s’il eût envié son bonheur. Ensuite le saluant, il lui dit : « Adieu, monsieur ; priez pour moi, pour la reine et pour mon fils. » Le gentilhomme lui fit une profonde révérence ; et le roi regagna l’abbaye en passant par des prés bas et humides. Ce sont là de belles histoires : Dieu, un roi détrôné, un soldat devenu ermite.

La reine de la Grande-Bretagne vint à son tour visiter la solitude. L’aumônier de S. M. écrivit le 2 juin 1692, à Rancé : « Vous avez entièrement gagné le cœur de la reine par les saintes impressions que Dieu a faites, par votre ministère, sur le cœur du roi son époux : car elle m’a fait l’honneur de me dire plus d’une fois qu’elle ne pouvait assez louer Dieu des grâces qu’il avait reçues à La Trappe. Il n’en fallait pas moins pour le soutenir dans les grandes et presque continuelles disgrâces qu’il a essuyées depuis si longtemps, et qui semblaient augmenter à un point de mettre toute sa vertu à l’épreuve. »

Le roi d’Angleterre revint une seconde fois à