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LIVRE QUATRIÈME

l’empressement que ses frères avaient mis à le soulager : « Voilà, dit-il, comme Dieu a pris plaisir à me favoriser dans tous les temps de ma vie, et je n’ai été qu’un ingrat. » Le P. abbé Jacques de La Cour entrait dans ce moment ; Rancé lui dit : « Ne m’oubliez pas dans vos prières, je ne vous oublierai pas devant Dieu. » Il chargea Jacques de La Cour de faire ses excuses au roi d’Angleterre : il avait commencé une lettre pour ce monarque exilé qu’il n’avait pas pu achever. La nuit suivante fut mauvaise ; Rancé la passa assis : il avait mis les sandales d’un religieux mort avant lui ; il allait achever le voyage qu’un autre n’avait pu finir.

L’évêque de Séez lui ayant demandé s’il avait toujours eu pour ses religieux la même charité : « Oui, monseigneur, répondit le saint homme. Depuis quelques années, par la grâce de Dieu, je ne suis plus qu’un simple religieux comme les autres ; ils sont tous mes frères et ne sont plus mes enfants. S’il m’était permis de regretter la perte de ma voix, ma douleur serait de ne pouvoir leur faire entendre combien je les aime ; je les conserve au fond de mon cœur, et j’espère le porter devant Dieu. » Sur les huit heures du soir Rancé se découvrit, il pria un