Page:Chateaubriand - Voyage en Italie, édition 1921.djvu/71

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ces rochers fumaient des nuages blancs, comme les brouillards du matin qui sortent de la terre dans les lieux bas. Ces nuages s’élevaient au-dessus ou s’abaissaient au-dessous des masses de granit, de manière à laisser voir la cime des monts ou à remplir l’intervalle qui se trouvait entre cette cime et le ciel. Le tout formait un chaos dont les limites indéfinies semblaient n’appartenir à aucun élément déterminé.

Le plus haut sommet de ces montagnes est occupé par la Grande-Chartreuse, et au pied de ces montagnes se trouve le chemin d’Emmanuel : la religion a placé ses bienfaits près de celui qui est dans les cieux ; le prince a rapproché les siens de la demeure des hommes.

Il y avait autrefois dans ce lieu une inscription annonçant qu’Emmanuel, pour le bien public, avait fait percer la montagne. Sous le règne révolutionnaire, l’inscription fut effacée ; Buonaparte l’a fait rétablir : on y doit seulement ajouter son nom : que n’agit-on toujours avec autant de noblesse !

On passait anciennement dans l’intérieur même du rocher par une galerie souterraine. Cette galerie est abandonnée. Je n’ai vu dans ce lieu que de petits oiseaux de montagne qui voltigeaient en silence à l’ouverture de la caverne, comme ces songes placés à l’entrée de l’enfer de Virgile :

Foliisque sub omnibus haerent.