Page:Chateaubriand - Voyage en Italie, édition 1921.djvu/91

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la terre.

Tous ces poètes de Rome qui passèrent à Tibur se plurent à retracer la rapidité de nos jours : Carpe diem, disait Horace ; Te spectem suprema mihi cum venerit hora, disait Tibulle : Virgile peignait cette dernière heure : Invalidasque tibi tendens, heu ! non tua, palmas. Qui n’a perdu quelque objet de son affection ? Qui n’a vu se lever vers lui des bras défaillants ? Un ami mourant a souvent voulu que son ami lui prît la main pour le retenir dans la vie, tandis qu’il se sentait entraîné par la mort. Heu ! non tua ! Ce vers de Virgile est admirable de tendresse et de douleur. Malheur à qui n’aime pas les poètes ! je dirais presque d’eux ce que dit Shakespeare des hommes insensibles à l’harmonie.

Je retrouvai en rentrant chez moi la solitude que j’avais laissée au dehors. La petite terrasse de l’auberge conduit au temple de Vesta. Les peintres connaissent cette couleur des siècles que le temps applique aux vieux monuments, et qui varie selon les climats : elle se retrouve au temple de Vesta. On fait le tour du petit édifice entre le péristyle et la cella en une soixantaine de pas. Le véritable temple de la Sibylle contraste avec celui-ci par la forme carrée et le style sévère de son ordre d’architecture. Lorsque la chute de l’Anio était placée un peu plus à droite, comme on le suppose, le temple devait être immédiatement suspendu sur la cascade : le lieu était