Page:Chateaubriand - Voyage en Italie, édition 1921.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

entassées au hasard, l’autre est fait d’un beau tronçon de colonne cannelée ; mais pour dérober la magnificence de ce second pilier, et le rapprocher de la rusticité du premier, la nature a jeté dessus un manteau de lierre. Un troupeau de porcs noirs fouillait et bouleversait le gazon qui recouvre les gradins du théâtre : pour ébranler les sièges des maîtres de la terre, la Providence n’avait eu besoin que de faire croître quelques racines de fenouil entre les jointures de ces sièges et de livrer l’ancienne enceinte de l’élégance romaine aux immondes animaux du fidèle Eumée.

Du théâtre, en montant par l’escalier de la ferme, je suis arrivé à la Palestrine, semée de plusieurs débris. La voûte d’une salle conserve des ornements d’un dessin exquis.

Là commence le vallon appelé par Adrien la Vallée de Tempé. J’ai vu à Stowe, en Angleterre, la répétition de cette fantaisie impériale ; mais Adrien avait taillé son jardin anglais en homme qui possédait le monde.

Au bout d’un petit bois d’ormes et de chênes verts, on aperçoit des ruines qui se prolongent le long de la vallée de Tempé ; doubles et triples portiques, qui servaient à soutenir les terrasses des fabriques d’Adrien. La vallée continue à s’étendre à perte de vue vers le midi ; le fond en est planté de