Page:Chateaubriand - Voyage en Italie, édition 1921.djvu/98

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Les plantes renaîtront demain ; le bruit et la poussière se sont dissipés à l’instant : voilà ce nouveau débris couché pour des siècles auprès de ceux qui paraissaient l’attendre. Les empires se plongent de la sorte dans l’éternité, où ils gisent silencieux. Les hommes ne ressemblent pas mal aussi à ces ruines qui viennent tour à tour joncher la terre : la seule différence qu’il y ait entre eux, comme entre ces ruines, c’est que les uns se précipitent devant quelques spectateurs, et que les autres tombent sans témoins.

J’ai passé de la Bibliothèque au cirque du Lycée : on venait d’y couper des broussailles pour faire du feu. Ce cirque est appuyé contre le temple des Stoïciens. Dans le passage qui mène à ce temple, en jetant les yeux derrière moi, j’ai aperçu les hauts murs lézardés de la Bibliothèque, lesquels dominaient les murs moins élevés du Cirque. Les premiers, à demi cachés dans des cimes d’oliviers sauvages, étaient eux-mêmes dominés d’un énorme pin à parasol, et au-dessus de ce pin s’élevait le dernier pic du mont Calva, coiffé d’un nuage. Jamais le ciel et la terre, les ouvrages de la nature et ceux des hommes ne se sont mieux mariés dans un tableau.

Le temple des Stoïciens est peu éloigné de la place d’Armes. Par l’ouverture d’un portique, on découvre, comme dans un optique, au bout d’une avenue d’oliviers et de cyprès, la montagne de Palomba,