Page:Chatelain - Beautés de la poésie anglaise, tome 1, 1860.djvu/82

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Quel est leur gain en comptant bien ?
Rien !
Rien excita leurs espérances,
Mais oublia de payer leurs dépenses ;
Et, d’un regard Stoïcien,
Force leur est de voir qu’ils ont donné naissance
À cet être sans consistance
Qui de tout temps s’est nommé Rien !

Rien !… ce grand élixir que jadis plus d’un sage
Voulut amadouer afin d’en faire usage
À son profit, pour transmuter en or
Tous les métaux de bas étage,
En dépit de son alliage
N’a pu produire un quelque chose encor !
Et pourtant du matin que la vive lumière
Qu’y a-t-il de plus beau, de plus sublime ?… Rien !
Qu’y a-t-il de plus doux que la brise légère
Tempérant la chaleur du vent étésien ?
Rien !
Quoi de plus gracieux que la désinvolture
Du printemps, ce magicien
Qui fait sourire et chanter la nature ?
Rien !

Mais je m’apperçois, chose sûre,
Que voulant élever un monument sur Rien,
Je risque fort ne trouver d’aventure
Sur la, terre ou sur l’air, ou sur mer nul soutien.
Pourtant si bien fondée en fait est la sentence,
« Tout finit par où Tout commence : »
Ne l’est pas moins celle qui dit que Rien
N’est sans commencement, ni sans fin, —le crois bien.
Par delà l’univers, au delà de l’Espace
Loge tranquillement, et se prélasse—Rien.
Des sphères où se tient, dites-le moi de grâce
Le pivot ?… Il se tient sur Rien !